
Mai 1968 est souvent dépeint à travers les images des étudiants en pleine effervescence révolutionnaire. Mais qu’en est-il de ceux qui s’y opposaient, notamment le Service d’Action Civique (SAC), le bras armé du parti gaulliste ? Fondé en 1959, en pleine guerre d’Algérie, le SAC était loin de vouloir rester passif face à ce qu’il considérait comme une « chienlit ». Composé majoritairement d’anciens résistants et combattants aguerris de la Seconde Guerre mondiale, ces hommes, rompus aux actions clandestines et violentes, étaient prêts à en découdre.
Dès les prémices du mouvement, les membres du SAC ont prêté main forte aux forces de l’ordre, participant au démantèlement des barricades étudiantes. Ils n’hésitaient pas à infiltrer les rangs des manifestants ou à provoquer les forces de l’ordre pour légitimer leurs interventions. Ces tactiques de déstabilisation, rapidement dénoncées par les étudiants comme des actions de « milice », ont contraint le pouvoir gaulliste à ordonner l’arrêt de ces missions dès la mi-mai.
Toutefois, comme le souligne François Audigier dans son ouvrage Histoire du SAC, leur engagement ne s’est pas limité à cela. L’escalade du mouvement après le 13 mai, avec le ralliement des syndicats, a offert au SAC de nouvelles opportunités. Ils ont remis en vigueur des tactiques de contre-insurrection issues de la guerre d’Algérie, constituant notamment les Comités pour la Défense de la République (CDR) pour attirer ceux qui sont opposés à Mai 68. Des infiltrations dans les milieux « gauchistes » aux affrontements violents lors des grèves, en passant par des combats de rue et la diffusion de tracts antisubversifs, le SAC a multiplié les interventions. Dans la précipitation, ils ont même recruté des individus peu scrupuleux, exacerbant la violence.
Si le pouvoir gaulliste a fermé les yeux sur ces « actes virils » en pleine crise, l’efficacité réelle du SAC dans le reflux de Mai 68 reste difficile à évaluer. La victoire écrasante du parti gaulliste aux législatives, la lassitude générale et l’arrivée de l’été ont sans doute joué un rôle bien plus déterminant dans le déclin du mouvement.